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Du Sénégal postcolonial : un bref aperçu sur la sphère politique

Au lendemain des indépendances, le Sénégal s'est réveillé sur le monde du monopartisme, et ce pendant plusieurs décennies.  Ce nouvel Etat souverain était dirigé par le seul et l’unique parti, le Parti Socialiste, pendant quarante années successives. Mais après vingt ans de gouvernance du père fondateur de la nation Léopold Sédar Senghor, de 1960 à 1981, le Sénégal s’est retrouvé entre les mains du Président Abdou Diouf, de 1981 jusqu’en 2000. Ayant ainsi expérimenté le monopartisme pendant quatorze ans, celui-ci prit fin en 1974. Resté dans la mono-gouvernance totale, le système politique sénégalais connait en effet une nouvelle tournure. De-là, la sphère politique devient extravertie et l’on observe la montée d’autres groupements politiques qui font basculer le pays dans un nouveau système : le multipartisme.

Du monopartisme au multipartisme : la naissance d’une opposition 

L’Union Progressiste et Socialiste, devenue par la suite Parti Socialiste, constituait le seul parti politique dans le pays, de 1964 à 1974. En effet, c’est juste après l’ouverture de l’arène politique en 1974, que Me Abdoulaye Wade crée le PDS (Parti Démocratique Sénégalais). Ce dernier va ainsi participer aux débats politiques avant de devenir un véritable parti d’opposition après le départ de Senghor en 1981. En effet, celui-ci ne quitta son siège que trois années après les élections présidentielles et son Premier Ministre arriva au Pouvoir. Le leader du PDS a participé pour la première fois à la course au fauteuil présidentiel et s’en est sorti avec 17,38%, soit un nombre de voix égal à 174817. De là, une adversité notoire dans le champ politique sénégalais avec un camp de contre-pouvoir, dirigé par le leader charismatique et hargneux, Me Wade. Une nouvelle histoire politique se construit, un opposant est né. Nous allons assister à une montée progressive du parti démocratique sénégalais au fil des années. Cependant après les élections de 1978, Wade s’est présenté sans succès aux présidentielles de 1983, 1988, 1993 où il obtient successivement 14,79%, 25,80%, 32,03% au premier tour. A cette époque, Wade fut l’un des rares à prononcer des discours dignes d’un vrai opposant mais qui parfois prenaient la forme d’un appel à la résistance et qui prônaient en quelque sorte la loi du talion. Durant plus de 30 ans, il a toujours poussé la jeunesse à se révolter contre le pouvoir. D’un point de vue politique et démocratique, Wade a beaucoup insisté sur le changement avec un slogan atypique « Sopi » qui veut dire changement en Wolof.  Un nouveau mot d’ordre est acté, une nouvelle page de l’histoire politique sénégalaise est en train de s’écrire. 

Wade, l’homme de la première ère de l’alternance démocratique

En 2000, une nouvelle atmosphère politique s’annonce. La tenue des élections présidentielles marque une tournure inédite dans la sphère politique. En effet, le 27 Février, constituant la date de ces élections, ne sera pas la dernière ligne droite. Cette date n’est que le moment où l’opposition s’impose, ce qui leur vaut une participation au 2e tour. Avec 31,01% au Premier tour, Me Wade se retrouve avec 58,49%. Tandis que le Président sortant a empoché 41,30% au premier tour, il se voit battu au second. Cette victoire du leader du Parti Démocratique Sénégalais n’eut été possible sans les coups de pouce apportés par Moustapha Niass et Djibo Ka, candidats malchanceux pendant cette chasse au pouvoir.  Cependant n’étant plus du camp socialiste, et que l’ordre au changement est enclenché, la coalition « Sopi » profite donc du poids électoral de ces derniers. Le Sénégal connait désormais sa première alternance démocratique et l’une des premières en Afrique sous l’égide du charismatique et historique opposant Abdoulaye Wade.

Après l’alternance, le temps d’une deuxième phase démocratique

Réélu à l’occasion des élections de 2007, avec 55,86% dès le premier tour, Me Wade poursuit sa gouvernance. Il en a encore pour cinq années afin de convaincre et de préserver la confiance des sénégalais. C’est en effet à cette période que le Sénégal vivra la deuxième étape de l’évolution de sa consolidation démocratique. Briguant un troisième mandat en 2012, A. Wade se verra sanctionné pour la première fois depuis son accession au pouvoir par le peuple sénégalais. Face à une nation qui y en avait marre de son système et qui n’était pas d’accord avec la ferme décision du président à vouloir imposer son fils Karim Wade au-devant de la scène politique, le pays arrive à une effervescence politique jamais connue. A. Wade subit à son tour la mobilisation de la jeunesse, qu’il montait contre le gouvernement en 2000, contre lui-même.

En 2012, le père de la démocratie sénégalaise fera face à un scrutin délicat qui mettra fin à sa carrière politique. Confiant pour ce troisième mandant, il sera surpris de savoir qu’on n’est plus en 2000.  A l’issu du premier tour, le président A. Wade a comptabilisé un score de 34,82%, tandis que Macky Sall contracte 26,19%, Moustapha Niass 13%, Ousmane Tanor Dieng 11% et Idrissa Seck 8%. Au deuxième tour, la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), la coalition de pratiquement toute l’opposition, dirigée par Macky Sall, remporte le scrutin avec 65,8% contre 34,2%. Pourtant, c’est de cette manière qu’il avait réussi à atteindre le pouvoir. Là, il se voit le quitter de la même façon. Macky Sall, avec la coalition BBY gagne les élections et devient président du Sénégal. Ainsi, le Sénégal fut fier d’avoir été démocrate et se voit entrer dans l’ère de la deuxième phase de son évolution démocratique. En effet, le pays de la Téranga, toujours exemplaire en termes de démocratie, a fait ses preuves une fois de plus grâce au caractère démocrate du président A. Wade de vouloir organiser des élections transparentes sans contestations.

2019, à l’aube d’une nouvelle ère démocratique

Actuellement en pleine élections présidentielles, le Sénégal est à l’aube d’une nouvelle ère de sa consolidation démocratique. Depuis l’alternance des années 2000, c’est pour la première fois que le premier tour des élections présidentielles fasse tant de bruit et d’inquiétude.  C’est étonnant de voir qu’après un mandat à la tête du pays, le président M. Sall se voit déjà fortement critiquer. Cela signifie sans doute que le peuple, en l’occurrence les jeunes en ont encore marre des promesses non tenues et de la mal gouvernance. Force est de constater que d’année en année, la jeunesse sénégalaise gagne en maturité. Après chaque fin de mandat, elle gagne en expérience politique et devient de plus en plus engagée dans ce domaine. Ainsi, elle décide, elle-même de son sort.

Récemment, nous avons vu un nouveau type de sénégalais qui ne se laisse pas berner. De plus, l’arrivée d’un jeune, ambitieux et dévoué pour son pays, va faciliter cette conscientisation. Ousmane Sonko, ce nouveau venu dans la sphère politique, a su convaincre la catégorie la plus motivée du Sénégal : la jeunesse. Pour la première fois dans l’histoire politique sénégalaise, un jeune aspire à un nouveau système mené par la jeunesse, pour un Sénégal autonome et autosuffisant. Une insertion massive des jeunes dans les affaires politiques et la prise de conscience des enjeux internes, notamment sur la monnaie et les matières premières constituent ses premiers soucis. Il prône un changement notoire et remarquable au niveau du système. De ce fait, la plupart des jeunes qui s’étaient découragés en politique, reprennent espoir.

Etant actuellement dans l’attente des résultats du scrutin, les sénégalais se battent corps et âme pour avoir des résultats fiables afin de sauver à nouveau leur démocratie. Toutefois, le peuple sent une tentative de hold-up électoral de la part du pouvoir. Au soir du scrutin, nous avons assisté à la déclaration du premier ministre, directeur de campagne du président sortant, disant avoir remporté les élections avec un taux de 57% des voix, ce que la jeunesse consciente n’a pas du tout supporté, ce qui se traduit par certaines réactions dans les réseaux sociaux. Avec un scandale pareil, le peuple ne pourrait avoir confiance sur ces dirigeants qui devront proclamer les résultats en fin de semaine, dans un contexte où beaucoup de manigances ont été détectées par toute la population. Face à un enjeu électoral aussi important, nous rentrons dans une phase importante de la démocratie sénégalaise. Le peuple ne veut pas se faire avoir et selon les tendances actuelles, un deuxième tour est inévitable. Ce que refuse apparemment de comprendre le Parti au Pouvoir, sachant qu’au terme de ce second tour, une défaite les attend.

Les enjeux :

D’abord deux scénarios se dessinent. Premièrement, le plus chaotique serait que le camp présidentiel confisque le pouvoir au détriment de la volonté du peuple. Dans ce cas il est clair que la jeunesse sortira dans les rues pour arracher sa démocratie et c'est sûr que cela se fera par la force donc dans un environnement de tensions, ce que personne ne souhaite car les conséquences seront énormes pour la stabilité du pays. Deuxièmement, ce serait que les résultats soient publiés avec toute transparence et fair-play peu importe le vainqueur, que le second tour se déroule sans soucis.  L’intérêt du Sénégal doit être primordial, avant l’intérêt d’un parti.

Ensuite, l’avenir de la démocratie sénégalaise dépend beaucoup de ces élections présidentielles. Cette période marque en effet la prise de conscience nouvelle, d’une génération nouvelle connectée qui veut le changement, une rupture à tout prix. La prise de conscience des jeunes sur les enjeux du développement ne se passe plus comme avant. Elle est désormais plus facile et rapide grâce à l’internet et l’accès aux réseaux sociaux permettant aux jeunes d’être connectés entre eux et au monde extérieur. En ce sens, nous avons vu l’exemple du printemps arabe, mais nous ne souhaitons en aucun cas avoir un printemps sénégalais. Mais si le camp présidentiel persiste et va vers un forcing, pour ne pas dire un coup d’Etat électoral, la jeunesse prendra l’engagement de décider de son avenir et surtout de sauver sa démocratie.

Ainsi la réponse à une question s’impose : le Sénégal sera-t-il en mesure de répondre au rendez-vous d’une troisième ère démocratique ? L’avenir nous en dira plus.

Ousmane Faye, Etudiant-chercheur en Géopolitique et Relations Internationales à l’université Cadi AYYAD de Marrakech, Avec la participation de Ndeye Bineta Aka, étudiante en deuxième année de droit à l'université Mohammed V de Rabat. 

Tag(s) : #Politique, #société
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